Jean-Nicolas Volff,éducateur à OL
Développement du Football Féminin en France : aux éducateurs de jouer !
Et notre équipe de France ? Au-delà des chiffres, la mission était de taille : convaincre, voir séduire le grand public pour booster le nombre de licenciées et donner un nouvel essor au foot féminin en France. Au niveau du résultat, bravo ! Les filles ont atteint les demi-finales et ont tenu la dragée haute aux américaines lors d’un match dans lequel elles auraient vraiment pu espérer mieux.
Le milieu de terrain a énormément travaillé en tentant de récupérer haut. Louisa Necib a démontré que quand elle joue simple et se met au service de son équipe, elle a le potentiel pour devenir une meneuse de jeu de qualité internationale. L’animation offensive du côté gauche a été excellente grâce en particulier à l’énorme activité de Sonia Bompastor. Marie-Laure Delie dans son rôle de seule attaquante et Elise Bussaglia au milieu ont été très actives. Le groupe est solidaire, certainement en progression, et a pris confiance -on attend la suite avec impatience.
Le comble est qu’il y avait probablement mieux à faire, et de nombreux chantiers sont ouverts. Aucune de gardiennes présentes lors du tournoi n’a convaincu (la meilleure gardienne française n’était pas de l’aventure), et la charnière centrale (ou plutôt « les » charnières, vu le nombre d’essais effectués lors du tournoi) a affiché des faiblesses étonnantes au niveau du placement et de la relance. Mais l’aspect le plus important, le mal chronique de cette équipe, reste l’incapacité a être dangereuse dans les 30 derniers mètres adverses. Rien de nouveau, cette faiblesse avait causé la perte de l’équipe en quart de finale de l'Euro 2009, après avoir pourtant copieusement dominé les Pays-Bas. Les filles ont certes montré leur capacité à récupérer haut mais n’ont que très rarement bien utilisé les nombreux ballons gagnés. Une incompétence tactique qui leur coûte vraisemblablement une place en finale, comme l’absence d’une seconde attaquante dans le groupe capable de suppléer Marie-Laure Delie dans un schéma en 4-2-3-1.
Pour conclure, un résultat plus que satisfaisant au vu du nombre squelettique de licenciées. Mais vraisemblablement insuffisant pour servir d’électrochoc au niveau du grand public. Il va donc falloir continuer à travailler. Bien sûr au niveau de l’élite, la pointe de la pyramide. Obtenir des résultats au niveau international en club -l’Olympique Lyonnais a montré la voie en gagnant la dernière Ligue des Championnes- et en sélection. Ces vecteurs sont importants pour le grand public, pour attirer de nouvelles joueuses, pour élargir la base de la pyramide qui portera la pointe toujours plus haut. La FFF et les clubs devront travailler main dans la main pour le bien du football féminin, une formation de qualité pouvant être offerte à la fois au sein des pôles espoirs et des centres de formation.
Mais il faudra surtout que nous, dirigeants, éducateurs, nous changions notre façon de penser et d’agir.
Tout d’abord en respectant les filles jouant en mixité dans nos clubs, en les valorisant, en les motivant, en respectant leur spécificités. Je prends l’exemple de Laura, joueuse de 13 ans que je connais très bien, qui s’est accrochée pendant de nombreuses saisons en mixité, souvent comme seule fille du groupe. Travailleuse, assidue aux entrainements, respectueuse du cadre de fonctionnement. Mais avec moins de temps de jeu que les garçons, souvent reléguée sur le banc de l’équipe sans éducateur le week-end. Elle s’est accrochée mais elle arrête, pas d’équipe de filles à proximité, encore une de perdue.
Un point primordial est également de donner un encadrement de qualité à nos équipes féminines. Il est de la responsabilité des dirigeants de clubs et des directeurs techniques d’attribuer des éducatrices et des éducateurs de qualité, diplômé(e)s, à leurs équipes féminines, et de ne pas se contenter d’y coller l’éducateur dont personne ne veut, ou un parent de joueuse sans connaissance préalable. Il faut encourager joueuses et éducatrices à passer leurs diplômes, en espérant que district, Ligue et FFF puissent organiser régulièrement des formations spécifiques aux féminines.
Enfin, j’espère que de plus en plus d’éducateurs masculins tenteront l’aventure du football féminin. Ayant moi-même expérimenté les deux contextes, je ne peux que les encourager dans cette voie. Oui, à partir de 14-15 ans les filles sont moins puissantes, courent moins vite, sautent moins haut, frappent moins fort que les garçons. Néanmoins, vous découvrirez un public avide de travailler, d’apprendre et de comprendre. Les filles apprennent plus rapidement, et avec plus de plaisir et de motivation (c’est une différence classique observée également à l’école). Elles sont capables de traiter plus rapidement l’information que les garçons, elles réussissent mieux une tâche dans un laps de temps défini. Même si elles ne sont pas plus intelligentes en moyenne que les garçons, elles sont généralement plus concentrées et plus attentives. Elles sont donc capables d’assimiler plus rapidement à l’entraînement. Les filles sont également plus coopératives à l’apprentissage, font preuve de plus de synergisme et interagissent plus et mieux avec l’éducateur. Elles ont plus le souci de bien faire et de réussir une tâche que les garçons, elles sont généralement plus appliquées et comprennent mieux que la réussite est liée au travail.
Au niveau de la vie de groupe, les filles sont généralement plus sociables, plus altruistes, plus solidaires et plus collectives que les garçons. La notion de partage est plus importante. Elles ont moins la nécessité de s’affirmer au niveau individuel par rapport au reste du groupe pour se sentir acceptées. Cela se ressent à la fois dans la vie du groupe (par exemple le leadership est plutôt XXXXXX
Le titre de cet article contient « Football Féminin », pas très malin de ma part. En effet, la plupart des entraineurs de football virils et poilus n’iront pas plus loin que ces deux mots : le football est un sport pour les hommes, les vrais. C’est bien connu, le football féminin est réservé aux garçons manqués et aux lesbiennes, il manque de puissance, de vitesse, de tout ce qui fait rêver l’amateur pur et dur de ballon rond. Peu de personnes s’y intéressent malgré les gros efforts de la FFF. A peine 55.000 féminines jouent au football en France -a peu près autant de femmes sont licenciées à la Fédération Française de Pétanque & de Jeu Provençal. A titre de comparaison, 18 fois plus de féminines jouent au football en Allemagne…
En Allemagne, justement, vient de se terminer la dernière coupe du monde de football féminin. Un bel évènement, avec des stades pleins (ça a du faire bizarre à la grande majorité des joueuses…), des retransmissions sur les grandes chaines de télé (en Allemagne tout du moins), un public conquis, une grande fête du foot, tout simplement. Bon, il faut avouer que certains matchs ont partiellement donné raison aux observateurs virils et poilus : pas de plan de jeu, peu d’actions construites, pas d’impact athlétique, pas de vitesse, des carences techniques énormes, juste de quoi donner envie de changer de chaine. Heureusement que les prestations catastrophiques de certaines arbitres étaient là pour égayer un peu l’atmosphère.
Mais il n’y a pas eu de que ça, heureusement. On a vu également des équipes bien en place, produisant un jeu collectif rapide et séduisant, défendant en bloc équipe performant, des belles actions, des beaux buts, du vrai football quoi ! Le meilleur exemple est cette magnifique finale entre les USA et le Japon, un match spectaculaire et plein de suspens qui valait bien de nombreux matchs masculins. Même si elle a été dominée par les américaines lors de la finale, le Japon a mérité son titre. Très au point tactiquement, très performante aux changements de statuts, cette équipe a développé un football en mouvement qui lui a permis de battre entre autres l’épouvantail allemand. Une Allemagne qui n’a pas résisté à la pression et a été pénalisée par l’inertie tactique et les choix de son entraineur Sylvia Neid, qui avait choisi de se passer de sa buteuse Birgit Prinz, qui a énormément manqué face au but adverse contre le Japon, et de la meneuse de jeu de Postdam, Fatmire "Lira" Bajramaj, jugée trop « perso » mais qui termine tout de même meilleure joueuse allemande de la saison écoulée. Le football féminin allemand va devoir subir les mêmes évolutions que son homologue masculin : ne pas tout miser sur la supériorité athlétique mais progresser au niveau du jeu. L’Allemagne va devoir se remettre sérieusement en question pour exploiter au mieux son énorme réservoir de joueuses.